Né à Nantes en 1897, Henry Jacques Le Même est enfant unique. Lorsque ses parents se séparent, il reste proche de sa famille maternelle. Il partagera le même toit toute sa vie avec ses “trois mères” (sa mère, sa grand-mère et sa tante).
Le Même réussit brillamment ses études au lycée Clemenceau à Nantes puis, à partir de 1915, à l’École régionale des Beaux-Arts de Nantes. En juin 1917, bénéficiant d’une bourse, il est admis à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts, section architecture. Pendant ces six années parisiennes, il reçoit une formation classique notamment auprès du renommé chef d’atelier Emmanuel Pontrémoli, Grand Prix de Rome.
En 1923, Le Même remporte le premier prix du prestigieux concours d’ornement Rougevin, réservé aux étudiants. Il est remarqué par le décorateur-ensemblier Émile-Jacques Ruhlmann qui le recrute immédiatement. Auprès du maître, le jeune architecte apprend à traiter avec une clientèle fortunée, se forme au travail de décoration dans les plus fins détails, et à la production d’intérieurs haut de gamme conçus dans le style Art Déco, mouvement majeur de l’entre-deux-guerres.
De santé fragile, Le Même quitte régulièrement Paris pour s’oxygéner. Ainsi il découvre la Manche, les Vosges, le Doubs et les Alpes où il s’initie à l’alpinisme. Ces séjours au grand air lui donnent l’occasion de pratiquer la peinture et de vendre ses premiers tableaux. En 1925, ses problèmes de santé l’encouragent à rejoindre les Alpes où le climat est plus favorable.
Avec l’aide d’un ami, Adolph Beder, il obtient de la baronne de Rothschild une première commande qui sera l’origine de la naissance du chalet du skieur. Le succès est total, ce qui vaut rapidement à Le Même nombre de nouveaux clients. Sa carrière est lancée. La Haute-Savoie lui semble être un territoire en devenir. Il choisit de s’établir définitivement à Megève. Le Même exerce son activité professionnelle dans sa maison-atelier où il vit et travaille à partir de 1929. Pensée avec ingéniosité, elle peut y accueillir une mixité d’usages à la fois professionnels et personnels. Adaptée à la vie en montagne, la maison-atelier est conçue dans un vocabulaire et des matériaux modernes. En 1995, elle est classée à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques.
Henry Jacques Le Même débute seul son activité. La quantité croissante de travail va rapidement l’inciter à employer de jeunes dessinateurs, décorateurs ou architectes tels que René Faublée, Claude Fay ou Bernard Bougeault. Des architectes qui ont perpétué les connaissances acquises auprès de Le Même dans leurs pratiques ultérieures.
En 1938, Le Même rencontre Théa Nowiska, d’origine tchèque, qui deviendra son épouse. À Megève, elle innove dans la haute couture orientée sport et ouvre la boutique Olympe. Ils travaillent désormais pour la même clientèle de villégiateurs mégevans.
Homme de culture et curieux de nature, Le Même s’intéresse dès les années 1920 à l’actualité des mouvements d’avant-garde et aux nouveautés dans le domaine de la construction. Il s’imprègne notamment des idées proposées par le Mouvement Moderne conduit par Le Corbusier ou encore le mouvement hollandais De Stijl.
Sans jamais renier son héritage classique, ni son goût pour l’art décoratif, Le Même assimile dans sa production architecturale les éléments qu’il juge pertinents, issus des nouveaux courants de pensée et des innovations dans les techniques de la construction, dont le béton armé. Une spécificité qui lui permet d’actualiser ses propositions architecturales et d’être en phase avec les époques qu’il traverse. Il répond à des commandes variées tant par leurs programmes que par leurs échelles : meubles, habitations, sanatoriums, cités scolaires, édifices publics notamment.
Durant toute sa carrière, Le Même conçoit et construit inlassablement.
Sa production architecturale s’érige principalement en France. Malgré la quantité importante de commandes, Le Même préserve une taille d’agence modeste avec un maximum de dix à quinze collaborateurs. Une manière de conserver la singularité de sa structure mégevanne et de rester fidèle à sa manière d’appréhender la conception architecturale, c’est-à-dire en conservant la maîtrise de tous ses projets ; à l’agence il est le seul architecte qui fait référence, s’imposant comme “ le patron ”. Il expérimente et fait évoluer ses propositions de projet en projet mais ne théorise pas sa pensée de l’architecture.
À plus de 80 ans Le Même arrête son activité professionnelle. Sans descendance, il décède le 17 février 1997 presque centenaire, laissant une oeuvre féconde, riche et souvent méconnue. Ses archives sont conservées aux Archives départementales de la Haute-Savoie.